Nokia dominait le monde. En cinq ans, ils ont tout perdu.

En 2007, Nokia détenait la moitié du marché mondial des téléphones portables. Cinq ans plus tard, ils vendaient leur activité mobile à perte. Ce qui les a tués, ce n’est pas ce qu’ils ont mal fait. C’est ce qu’ils n’ont pas fait du tout.

Le leader qui n’a rien vu venir

Si vous aviez un téléphone portable dans les années 2000, il y a de grandes chances que c’était un Nokia. Le 3310, le 6600, le N95. Des téléphones solides, fiables, que tout le monde connaissait.

Nokia n’était pas juste un fabricant parmi d’autres. C’était le fabricant. En 2007, l’entreprise finlandaise détenait 50% du marché mondial des téléphones portables. Un téléphone sur deux vendu dans le monde était un Nokia.

L’entreprise employait plus de 100 000 personnes. Elle représentait 4% du produit intérieur brut de la Finlande. C’était un géant.

En 2013, Nokia a vendu sa division téléphones portables à Microsoft pour 7 milliards de dollars. Six ans plus tôt, cette division valait dix fois plus.

Ce qui rend cette chute remarquable, ce n’est pas que Nokia ait fait des erreurs graves. C’est qu’ils n’ont presque rien fait. Ils ont continué à faire ce qui marchait — pendant que le monde changeait autour d’eux.

2007 : le jour où tout a basculé

Le 9 janvier 2007, Steve Jobs est monté sur scène à San Francisco. Il a présenté un nouvel appareil : un téléphone, un lecteur de musique et un appareil pour naviguer sur internet. Trois appareils en un. Il l’a appelé iPhone.

L’iPhone n’avait pas de clavier physique. Juste un écran tactile. À l’époque, c’était étrange. Tous les téléphones avaient des touches. Comment taper un message sans touches ?

Chez Nokia, la réaction a été mesurée. Un cadre de l’époque a résumé l’opinion générale : « Un téléphone sans clavier ? Les gens ne voudront jamais de ça. »

Nokia avait des arguments. L’iPhone était cher. Il n’avait pas de 3G au lancement. Son appareil photo était médiocre. Sa batterie tenait moins longtemps. Et surtout, il n’avait pas de clavier.

Nokia fabriquait des téléphones depuis des années. Ils connaissaient leur métier. Ils savaient ce que les clients voulaient. Et les clients voulaient des claviers.

Du moins, c’est ce qu’ils croyaient.

Ce que Nokia n’a pas compris

Nokia pensait fabriquer des téléphones. Apple pensait fabriquer des ordinateurs de poche.

La différence est fondamentale.

Un téléphone, c’est un appareil pour passer des appels et envoyer des messages. Nokia excellait dans ce domaine. Leurs téléphones étaient robustes, leur réseau de distribution était mondial, leur marque était connue partout.

Un ordinateur de poche, c’est autre chose. C’est un appareil pour naviguer sur internet, consulter ses courriels, regarder des vidéos, utiliser des applications. Les appels et les messages ne sont qu’une fonction parmi d’autres.

Apple n’a pas amélioré le téléphone. Apple a changé ce qu’un téléphone pouvait être.

Nokia a regardé l’iPhone et a vu un mauvais téléphone. Pas de clavier, batterie faible, appareil photo médiocre. Sur les critères de Nokia, l’iPhone était inférieur.

Mais les critères avaient changé.

Les clients ne voulaient plus le meilleur téléphone. Ils voulaient le meilleur appareil pour accéder à internet, à leurs courriels, à leurs photos, à leurs applications. Et sur ces critères-là, Nokia n’avait rien à proposer.

Nokia a continué à gagner une course que plus personne ne courait.

La chute : cinq ans pour perdre un empire

Ce qui frappe dans l’histoire de Nokia, c’est la vitesse de la chute.

En 2007, Nokia détenait 50% du marché mondial. En 2013, leur part de marché était tombée à 3%.

Cinq ans. C’est le temps qu’il a fallu pour passer de la domination absolue à l’effondrement.

Ce qui s’est passé.

Nokia a continué à sortir des téléphones. De bons téléphones, selon leurs critères. Mais le marché ne voulait plus de bons téléphones. Il voulait des téléphones intelligents.

Nokia avait son propre système d’exploitation, Symbian. Il fonctionnait bien pour les téléphones classiques. Mais il n’était pas conçu pour les écrans tactiles, pour les applications, pour internet. Il était daté.

Nokia a essayé de rattraper son retard. Ils ont lancé des téléphones tactiles. Mais ces téléphones étaient des compromis : ni vraiment des téléphones classiques, ni vraiment des téléphones intelligents. Ils n’ont convaincu personne.

En 2011, Nokia a abandonné son propre système et adopté celui de Microsoft. Trop tard. Le marché était déjà partagé entre Apple et les téléphones utilisant le système de Google.

En 2013, Microsoft a racheté la division mobile de Nokia. Quelques années plus tard, Microsoft a lui-même abandonné cette activité.

Cinq ans pour tout perdre

2007 : Nokia détient 50% du marché mondial. Apple lance l’iPhone.

2008 : Nokia reste numéro un. L’iPhone est encore marginal.

2010 : Les téléphones intelligents explosent. Nokia perd du terrain.

2011 : Nokia abandonne son système et adopte celui de Microsoft.

2013 : Nokia vend sa division mobile. Part de marché : 3%.

« Nous n’avons rien fait de mal »

En 2013, lors de l’annonce de la vente à Microsoft, le patron de Nokia a prononcé une phrase devenue célèbre.

« Nous n’avons rien fait de mal, mais d’une certaine façon, nous avons perdu. »

Cette phrase est terrifiante. Et elle est vraie.

Nokia n’a pas fait de faute grave. Ils n’ont pas triché. Ils n’ont pas méprisé leurs clients. Ils n’ont pas fait faillite à cause d’une mauvaise gestion financière.

Ils ont continué à faire ce qu’ils savaient faire. Fabriquer de bons téléphones. Maintenir leur réseau de distribution. Soigner leur marque.

Et ils ont perdu quand même.

Parce que le monde avait changé. Et qu’ils ne s’étaient pas adaptés.

Ne rien faire de mal ne suffit pas. Il faut faire ce qui est juste pour demain, pas ce qui était juste hier.

Ce que ça change pour un dirigeant de PME

Vous n’êtes pas Nokia. Vous n’avez pas 100 000 employés ni 50% du marché mondial.

Mais le mécanisme qui a tué Nokia existe dans toutes les entreprises.

Ce mécanisme, c’est la satisfaction de bien faire ce qu’on a toujours fait.

Concrètement, ça ressemble à ça :

« Nos clients sont fidèles. Ils nous connaissent depuis des années. »

« Notre produit est solide. On le maîtrise parfaitement. »

« Les nouveaux concurrents ne comprennent pas notre métier. Ils ne tiendront pas. »

« On a toujours fait comme ça, et ça marche. »

Ces phrases sont rassurantes. Elles donnent l’impression que l’avenir ressemblera au passé. Que la maîtrise d’aujourd’hui garantit le succès de demain.

Nokia pensait exactement ça. Ils maîtrisaient leur métier mieux que quiconque. Et ils ont disparu.

Parce que le métier avait changé. Et qu’ils ne l’avaient pas vu.

Trois questions pour éviter l’erreur de Nokia

L’histoire de Nokia pose des questions simples. Ce sont des questions qu’un dirigeant devrait se poser régulièrement.

Question 1 : Est-ce que je mesure ma performance avec les bons critères ?

Nokia mesurait la qualité de ses téléphones : solidité, autonomie, réseau. Sur ces critères, ils étaient excellents. Mais les clients avaient changé de critères : écran, applications, internet. Nokia gagnait une course que les clients ne regardaient plus.

Quels critères utilisez-vous pour évaluer votre entreprise ? Sont-ils encore ceux que vos clients utilisent pour vous choisir ?

Question 2 : Est-ce que je comprends vraiment ce que mes concurrents proposent ?

Nokia a regardé l’iPhone et a vu un mauvais téléphone. Ils n’ont pas vu que l’iPhone n’était pas un téléphone. C’était autre chose. Une nouvelle catégorie.

Quand un nouveau concurrent arrive sur votre marché, est-ce que vous le regardez avec vos lunettes — ou avec celles du client ?

Question 3 : Est-ce que je fais ce qui est juste pour demain, ou ce qui était juste hier ?

Nokia faisait ce qui était juste hier : fabriquer d’excellents téléphones avec clavier. Le problème, c’est que demain n’avait plus besoin de claviers.

Où va votre énergie ? Dans l’amélioration de ce que vous faites déjà — ou dans la préparation de ce que vous devrez faire demain ?

Le piège de l’excellence

Il y a un paradoxe cruel dans l’histoire de Nokia.

Plus une entreprise excelle dans ce qu’elle fait, plus elle a du mal à changer.

Nokia était excellent. Leurs processus étaient rodés. Leurs équipes étaient formées. Leur culture était forte. Tout était optimisé pour fabriquer d’excellents téléphones classiques.

Changer, c’était remettre en question tout ça. Abandonner ce qui marchait pour quelque chose d’incertain. Désorganiser une machine bien huilée.

C’était trop difficile. Trop risqué. Trop douloureux.

Alors Nokia a continué. Ils ont amélioré ce qui existait. Ils ont perfectionné leurs téléphones classiques. Ils ont optimisé leurs coûts.

Et pendant ce temps, le marché partait ailleurs.

L’excellence dans ce qui ne compte plus ne vaut rien.

Ce que Furtiveo en retient

L’histoire de Nokia illustre une réalité difficile à accepter : la compétence d’hier ne garantit pas le succès de demain.

Nokia savait fabriquer des téléphones mieux que quiconque. Cette compétence ne valait plus rien quand le marché a changé.

Pour un dirigeant de PME, la leçon est simple mais exigeante.

Premièrement : ce qui fait votre force aujourd’hui peut devenir sans valeur demain. Pas parce que vous faites mal votre travail, mais parce que le travail lui-même change.

Deuxièmement : les signaux de changement sont souvent visibles. Mais ils sont faciles à ignorer, parce qu’ils remettent en question ce qui marche.

Troisièmement : la valeur d’une entreprise ne se mesure pas à ce qu’elle sait faire. Elle se mesure à sa capacité à faire ce qui sera nécessaire demain.

Voir ce qui change — avant d’y être contraint

Le problème de Nokia n’était pas la compétence. C’était le regard. Ils voyaient le monde avec les lunettes d’hier.

Furtiveo accompagne les dirigeants de PME qui veulent une lecture sans complaisance de leur situation. Pas pour rassurer. Pour voir ce qui doit être vu — quand il est encore temps d’agir.

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Conclusion

Nokia n’a pas été tué par Apple. Nokia a été tué par une phrase : « Nous n’avons rien fait de mal. »

Cette phrase dit tout. Nokia n’a rien fait de mal. Ils ont continué à faire ce qu’ils savaient faire. Ils ont perfectionné ce qui marchait. Ils ont optimisé ce qui existait.

Et ils ont perdu quand même. Parce que le monde avait changé. Parce que ce qui comptait hier ne comptait plus. Parce que l’excellence dans ce qui ne compte plus ne vaut rien.

La leçon n’est pas qu’il faut tout changer tout le temps. La leçon est qu’il faut regarder. Observer. Comprendre ce qui change. Et accepter que la maîtrise d’aujourd’hui ne garantit pas le succès de demain.

La question pour un dirigeant de PME n’est pas « est-ce que je fais bien mon travail ? ». La question est « est-ce que le travail que je fais sera encore utile demain ? »